Manager, c’est porter, pas dominer !

Il y a encore dans l’imaginaire collectif, cette figure tenace : le manager qui dirige et tranche. Celui qui sait et que les autres suivent. Il serait un peu « au-dessus » du lot, investi d’une mission de commandement.

Mais quand on y regarde de plus près, au quotidien, dans la vraie vie des équipes, cette posture-là n’est pas toujours adaptée. Car plus on monte en responsabilités, plus on mesure qu’il ne s’agit pas de « dominer » mais de porter. Porter des enjeux, porter des tensions et surtout porter un collectif, avec ses dynamiques et ses contradictions.

Et ce déplacement-là de « diriger » à « porter », change en profondeur la manière d’habiter son rôle.

  

Il est une illusoire de croire que la hiérarchie donne du pouvoir. Être manager, ce n’est pas être au sommet pour regarder les autres. C’est être en position de vue d’ensemble, pour soutenirarbitrerclarifier et canaliser. Ce n’est pas une place confortable, c’est une position d’utilité.

Cela demande de renoncer à certaines idées toutes faites : l’autorité comme posture, l’exemplarité comme masque et le contrôle comme sécurité.

Cela suppose aussi une certaine maturité : accepter que le rôle de manager ne consiste pas à tout faire, tout savoir ou tout décider. Mais à créer les conditions, celles dans lesquelles l’équipe peut avancer, apprendre, produire, se tromper et recommencer.

  

Il est aussi fréquent de penser que servir, ce serait dire oui à tout, se faire petit et se sacrifier. C’est tout à fait faux !

Être au service, c’est une position claire. C’est refuser les rapports de force inutiles. C’est mettre l’énergie là où elle est utile. C’est être au service de son équipe pour la soutenir, être au service de ses collègues pour mieux collaborer, être au service de ses clients pour les satisfaire et surtout être au service de l’objectif commun.

Le piège serait de transformer cette idée en modèle. Un nouveau moule à appliquer. Mais le management, ce n’est jamais une recette.

C’est un ajustement permanent, une posture vivante, qui se joue dans les détails : un mot posé au bon moment, une décision qui respecte le fond sans nier la forme ou un désaccord assumé avec calme.

Le manager qui est « au service » n’a pas un autre rôle. Il a un rapport différent à son rôle.

Ce n’est pas tant ce qu’il fait qui change, c’est comment il le fait. Avec quel degré de conscience, de responsabilité et de lucidité.

  

Dans un monde centré sur les résultats, les chiffres, la performance visible, ce type de posture passe parfois inaperçue. Elle ne se mesure pas en tableaux de bord. Elle agit en profondeur. Elle stabilise, elle fait grandir et donne du sens.

Mais elle demande aussi beaucoup. Car pour être dans cette posture, il faut être soi-même clair sur ses insécurités, sur ses besoins de reconnaissance et sur ses propres limites. 

Il faut renoncer à certaines protections. Celles que donne parfois le statut, l’expertise et l’ancienneté.

Cela suppose aussi une certaine force intérieure : celle qui permet de rester ferme sans devenir rigide et disponible sans être poreux.

Quand cette posture est là, les choses changent. Subtilement, mais réellement.

On observe des équipes plus autonomes, parce que la place leur est donnée. Des relations plus franches, parce que la peur du jugement diminue. Une circulation plus fluide de l’information, parce que l’écoute est réelle. Un engagement plus profond, parce que la confiance est là.

Et moins de jeux de pouvoir, de tensions mal réglées et de décisions prises par défaut.

Ce n’est pas une utopie. C’est un effet logique d’une posture incarnée.

  

Cela ne se décrète pas. Changer de posture, ce n’est pas juste une bonne intention. C’est un travail, souvent invisible et parfois inconfortable.

Il suppose d’avoir des repères pour ne pas confondre service et soumission. D’avoir des espaces de recul pour relire ses pratiques sans se juger. D’être entouré pour ne pas porter seul l’exigence du changement.

Et aussi que l’organisation elle-même accepte de revisiter certains réflexes. En valorisant la manière autant que le résultat ; en formant à la posture, pas seulement aux outils et en ouvrant des marges de manœuvre réelles.

Sans cela, le manager reste coincé entre une envie d’agir autrement et un système qui ne le permet pas.

 

Servir, c’est élever ! Il y a une forme d’élégance discrète dans cette posture-là. Elle ne cherche pas à briller, mais elle cherche à faire grandir. Elle ne s’impose pas, elle s’ajuste. Elle ne cherche pas la reconnaissance mais la justesse.

Et c’est peut-être ça le vrai leadership : non pas guider pour être suivi, mais se mettre au service d’un cap, d’une mission, d’un collectif. Et, ce faisant, leur permettre de se déployer.

Image: Henri Matisse “la danse” (1909-1910)

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Le management sous tension